vendredi 24 août 2012

prendre soin des autres


 
 
 

Prendre soin des autres, c’est prendre soin de soi

David Servan-Schreiber Professeur de psychiatrie clinique, David Servan-Schreiber a fondé et dirigé un centre de médecine complémentaire à l’université de Pittsburgh, aux Etats-Unis. Il est l’auteur de Guérir (Pocket, 2005) et Anticancer (Robert Laffont, 2007)

Lorsque, à l’âge de 15 ans, j’ai annoncé à mon père que je voulais faire médecine, il m’a envoyé voir son ami d’enfance, le professeur Jean-Louis Funck-Brentano. Derrière son imposant bureau de l’hôpital Necker, à Paris, cet homme incarnait la médecine elle-même. Eloquent, brillant, sévère parfois, mais toujours chaleureux. Comme s’il signifiait, par la douceur dans ses yeux, que la seule chose qui comptait vraiment, c’était de soulager la douleur de celui qui souffre… Après m’avoir interrogé sur mes motivations, après s’être plaint – avec dérision – de la médecine trop "institutionnelle", après m’avoir décrit des études "imbéciles", il a conclu notre entretien sur un sourire : « Tu vas voir, c’est le plus beau métier du monde ! » J’ai mis quinze ans à comprendre pourquoi il avait raison.
Après une interruption de cinq ans dans ma formation pour faire un doctorat en sciences cognitives, j’ai dû, à l’âge de 30 ans, refaire un stage comme interne. Le premier jour, j’ai pu prescrire un antidouleur à un homme atteint de cancer qui souffrait en silence depuis des semaines. Ce soir-là, son sourire – le premier depuis longtemps – m’a transporté plus que tous les succès académiques et les plaisirs intellectuels de mon doctorat. Les mots de Funck-Brentano ont alors résonné à nouveau en moi, et je les ai compris avec mon corps : en soignant les autres, on se soigne soi-même, en profondeur.
Spinoza, il y a plus de trois cents ans, l’avait déjà décrit : chaque fois que nous faisons du bien à un autre être, nous nous sentons mieux parce que notre physiologie s’en trouve renforcée (in Spinoza avait raison : le cerveau des émotions d’Antonio Damasio, Odile Jacob, 2003). Aujourd’hui, nous savons que notre cœur bat alors avec plus de cohérence, que nous sécrétons des endorphines (hormones de la connexion affective) et que notre système immunitaire est plus actif. Participer à des activités bénévoles pour assister les autres serait même une garantie de santé plus grande encore que réduire son taux de cholestérol ou arrêter de fumer (House, J. S., K. R. Landis, et al. 1988, “Science” 241 : 540-545) ! Cela s’appliquerait également aux soins que l’on porte aux animaux ou aux plantes. Dans le cadre d’une étude menée à Harvard (Rodin, J., Langer, E.J., 1977 - “Journal of Personality and Social Psychology” 35 : 897-902), les résidents d’une maison de retraite ont tous reçu une plante. La moitié d’entre eux devait s’en occuper eux-mêmes, tandis que le personnel assurait les soins pour les autres. Plus tard, on constata que les premiers avaient vécu deux fois plus longtemps.
Une amie, qui cuisine très bien, décrit parfaitement comment elle profite de son talent aussi pour elle-même : « Ce qu’il y a de formidable quand on aime faire la cuisine pour les autres, c’est que l’on en tire du plaisir avant, en pensant à ce que l’on va manger ensemble ; pendant, au moment où l’on en profite ; et après, en repensant à quel point c’était bien… » Comme elle, il n’est pas nécessaire d’être médecin. Nous pouvons tous nous faire du bien d’une façon ou d’une autre. Il suffit de trouver comment, et pour qui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire